• Le nom « Lucifer » signifie en latin « Porteur de lumière » (lux, « lumière », et ferre, « porter »).
• À l'origine, c'est l'un des noms que les Romains donnent à l'« étoile du matin », c'est-à-dire la planète Vénus.
• Dans la Vulgate, Lucifer devient un nom propre utilisé pour traduire l'expression « astre brillant » du livre d'Isaïe.
• Dans la tradition chrétienne, Lucifer est associé à l'orgueil. Il est considéré comme un ange déchu pour s'être rebellé contre Dieu. Il est assimilé à Satan et au Diable.

Illustration :


Origine de la figure de Lucifer
• Dans la Rome antique, ce nom désigne la planète Vénus, aussi appelée l'« étoile du matin », car elle est très brillante dans le ciel et peut être observée le matin avant le lever du soleil ou le soir après le coucher du soleil. Elle semble donc accompagner le soleil.
• Le nom Lucifer est introduit dans la Bible latine, la Vulgate, pour traduire le terme hébreu hêlēl dans l'expression hêlēl ben šāḥar « (astre) brillant fils de l'aurore » qui figure dans le livre d'Isaie:

« Comment es-tu tombé du ciel, Astre brillant, Fils de l'Aurore ? Toi qui disais : je monterai aux cieux, je hausserai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu » — Livre d'Isaïe 14.12-14

La description de la chute d'un roi tyran
• Dans le contexte de l'oracle d'Isaïe, il s'agit de décrire l’ascension et la chute d'un tyran souverain babylonien. Isaïe utilise une image empruntée à un mythe cananéen qui fait allusion à la déesse Sahar, l'« Aurore ».
• Ce mythe est peut-être lui-même adapté d'un mythe grec, qui semble décrire la chute du plus brillant des astres et qui avait voulu prendre la place du soleil. Cette traduction latine reprend celle de la Bible grecque, la Septante, qui a traduit hêlēl par Éosphoros.
• Ces anges sont capables de modifier le cours des événements. Les anges mauvais sont responsables de l'apparition du mal dans la Création.
• Dans la pensée du judaïsme de la période du Second Temple, les démons sont regardés comme des anges déchus. Pour évoquer leur chute, on utilise l'imagerie mythique de la guerre des astres du livre d'Isaïe.
• Dans le livre d'Hénoch, le chef de ces anges déchus est Azazel.
• Dans le deuxième livre d'Hénoch, Satan est présenté comme un archange déchu dès la Création pour avoir défié Dieu et ayant entraîné les autres anges rebelles dans sa chute
• Au IIe et IIIe siècle, les Pères de l'Église comme Origène, puis Jérôme de Stridon, identifient Lucifer à Satan. La chute spectaculaire de l'« astre brillant » du livre d'Isaïe devient dans la Bible latine la chute de Lucifer.
• À partir du Moyen Âge, Lucifer et Satan sont considérés comme des noms pour le Diable.
• La tradition chrétienne puise dans la Bible la notion d'ange déchu et un passage d'Isaïe l'a associée au concept de porteur de lumière :

« Je t'avais installé, et tu y étais, sur la sainte montagne de Dieu […] et ce jusqu'à ce qu'on trouve de l'injustice en toi. »

• Le livre d'Isaïe chante, au chapitre XIV, la mort du roi de Babylone et dit, au verset 4 :

« Tu entonneras le chant que voici sur le roi de Babylone : Comment a disparu l'oppresseur, cessé la tyrannie. »

• Les versets 12 à 14 chantent ceci :

« Comme tu es tombé du ciel hêylêl (astre brillant), fils de l'aurore ! Comme tu as été renversé jusqu'à terre, dompteur des nations ! Tu disais en ton cœur : "Je monterai au ciel, au-dessus des étoiles de Dieu j'érigerai mon trône, je m'assiérai sur la montagne du rendez-vous, dans les profondeurs du Nord. Je monterai sur les hauteurs des nuées, je serai l'égal du Très-Haut." »

• Les anges déchus dans le livre d'Hénoch ne sont pas associés au « porteur de lumière » du Livre d'Isaïe. Le chef de ces anges déchus est Azazel :

« Azazel apprit aux hommes à fabriquer des épées, des armes, des boucliers, des cuirasses. Choses enseignées par les anges. Il leur montra les métaux et la manière de les travailler, ainsi que les bracelets, les parures, l'antimoine, le fard des paupières, toutes les sortes de pierres précieuses et les teintures. Il en résulta une grande impiété. Les hommes se débauchèrent, s'égarèrent et se perdirent dans toutes les voies » — I Hénoch VIII, 1-2

« Il dit à Raphaël : Enchaîne Azazel par les pieds et par les mains, jette-le dans les ténèbres, ouvre le désert qui est à Dadouël et jette-le dedans. Mets sur lui des pierres rugueuses, et aiguës, enveloppe-le de ténèbres, et qu'il demeure là à perpétuité. Recouvre son visage, et qu'il ne voie pas la lumière » — I Hénoch X, 4-5

« La terre entière a été dévastée par les œuvres apprises d'Azazel : impute à celui-ci tous les péchés » — I Hénoch X, 8

Les racines étymologiques du nom de Lucifer
• Jérôme de Stridon, vers 408, traduit dans sa Vulgate l'hébreu hêylêl du passage d'Isaïe par le nom Lucifer.
• Hyll (ou hylyl dans l'un des manuscrits de la mer Morte) vient de la racine hâlal (« briller, luire », mais aussi « vouloir briller, se vanter, extravaguer »).
• Les lexicographes Brown, Driver et Briggs, ainsi que Koehler et Baumgartner le traduisent par shining one (« celui qui brille »), qu'ils interprètent comme « étoile du matin ».
• Dans la Septante, on lit « le porteur d'aurore, celui qui se lève le matin ».

Dans la culture romaine
• Lucifer (latin) et Phosphoros (grec) sont deux épithètes données à la planète Vénus dans l'Antiquité, parmi d'autres désignations comme Hesperus, Vesperugo, Vesper, Noctifer et Nocturnus quand elle apparaît dans le ciel du soir plutôt que celui du matin, elle introduit alors l'obscurité plutôt que la lumière du jour.
• La planète Vénus est le troisième objet le plus brillant du ciel après le Soleil et la Lune.
• Comme Vénus est sur une orbite plus petite que celle de la Terre, elle ne semble jamais loin du soleil. D'où son nom d'étoile du matin quand elle précède de peu le lever du Soleil.
• Lucifer est aussi employé dans la mythologie romaine pour désigner plusieurs déesses de la Lumière comme Artémis, Aurore et Hécate.
• Le jésuite Tournemine y voit une parenté avec le Titan Prométhée qui, dans la mythologie grecque, a désobéi à Zeus et donné le feu aux hommes.

Interprétation d'Isaïe par les théologiens
• Augustin d'Hippone interprète le verset d'Isaïe 14,12 comme une description de la chute du démon lui même :

« Il y a dans cette peinture du démon, représenté sous la figure du roi de Babylone, une foule de traits qui conviennent au corps que Satan se forme dans le genre humain, principalement à ceux qui s'attachent à lui par orgueil et renoncent aux commandements de Dieu. »

• Bernard de Clairvaux fait remarquer dans un sermon que Lucifer portait la lumière, sans porter la chaleur, dans un désir orgueilleux de surpasser Dieu :

« Et toi, malheureux, tu n'as eu que la lumière, tu n'as point eu la chaleur. Il eût mieux valu pour toi que tu fusses ignifer plutôt que lucifer, et, dans ton amour excessif de luire, tu n'aurais pas, glacé comme tu l'étais, choisi une région du ciel glacée aussi comme toi. En effet, tu t'es écrié : « Je monterai plus haut que les nuées les plus élevées, et j'irai m'asseoir aux flancs de l'Aquilon. » Pourquoi cet empressement à te lever le matin, Lucifer? Pourquoi ce bonheur de l'emporter sur tous les astres que tu surpasses en éclat? Ta gloire sera courte. »

Un nom pour Jésus Christ
• Le nom Lucifer apparaît aussi une fois dans la Vulgate comme un titre du Christ, dans « et Lucifer oriatur in cordibus vestris ».
• Lucifer s'est révélé depuis l'origine comme étant le faux « porteur de lumière », puisqu'il s'est servi de sa lumière pour attirer les hommes dans sa chute, alors qu'à l'opposé Jésus s'est révélé comme étant un vrai « porteur de lumière », parce que par la lumière il relève l'homme.
• Ainsi, à une certaine époque, le nom Lucifer a été attribué à Jésus-Christ par l'expression « Christus verus Lucifer », signifiant : « Christ véritable porteur de lumière ».
• Pour les Chrétiens, donner l'un des noms du Diable à l'incarnation de leur Dieu sur terre, c'était rendre la tâche trop facile au démon, lui qui est toujours à la recherche d'une nouvelle manière pour se faire passer pour Dieu devant les hommes en se servant de ses pouvoirs angéliques conservés depuis l'origine.

Dans l'anthroposophie
• Il existe deux principes démoniaques qui s'opposent à l'évolution de l'humanité, mais qui la rendent aussi possible, Lucifer et Ahriman.
• Rudolf Steiner identifie Ahriman à Satan, lequel est bien distinct de Lucifer.
• Il est l'être qui fait de l'homme un être terrestre assujetti à la matière, alors que Lucifer et les forces lucifériennes tendent à l'en détacher.
• Ainsi, Lucifer agirait par exemple en l'homme dans toute activité artistique et toute activité intellectuelle, car elle élève l'homme au-dessus de sa nature physique.
• L'influence de Lucifer deviendrait malsaine quand elle agit au-delà de son action nécessaire, par exemple quand l'homme s'abandonne à l'égoïsme ou au narcissisme.